A.P.A




A.P.A. – Art Public Accessible
explore comment l’art public peut devenir une expérience multisensorielle partagée par tous.

Né à Montréal, le projet conçoit des parcours et des dispositifs sonores qui permettent aux personnes vivant avec une déficience visuelle de découvrir les œuvres d’art public par le toucher, l’écoute et le mouvement.

En transformant l’espace urbain en terrain d’exploration sensorielle, A.P.A. repense la manière dont nous percevons, partageons et vivons l’art dans la ville.












DÉMARCHE


Les marches exploratoires – expérimenter l’art autrement


Les marches exploratoires A.P.A. sont nées d’un constat simple : l’art public, omniprésent dans nos villes, demeure largement inaccessible aux personnes vivant avec une déficience visuelle.
En collaboration avec le RAAMM, l’INCA et le CHUM, nous avons initié des parcours sensoriels permettant à des participant·e·s aveugles, malvoyant·e·s et voyant·e·s les yeux bandés de découvrir les œuvres d’art par le toucher, l’écoute et le déplacement.

Ces marches ne visent pas la performance sensorielle, mais l’éveil d’une perception plurielle.
Elles questionnent : comment un espace, un matériau, une vibration sonore ou un souffle d’air deviennent-ils porteurs d’émotion esthétique ?
En plaçant la diversité des perceptions au cœur de l’expérience artistique, A.P.A. propose une autre manière d’habiter la ville — par le corps, le son et le mouvement.

Chaque marche devient ainsi un laboratoire vivant, où s’expérimentent les liens entre les sens, les œuvres et l’espace urbain.
Les retours des participant·e·s nourrissent une réflexion collective sur l’accessibilité culturelle, mais aussi sur la façon dont le sensible façonne notre relation au monde.




Du terrain à la création d’un dispositif sonore

Au fil des marches, une évidence s’est imposée :
le son est un médium naturel de navigation, d’émotion et de mémoire.
Les participant·e·s décrivaient comment les sons — un pas, une résonance, le vent entre deux surfaces — leur permettaient de cartographier mentalement l’espace, d’en percevoir les volumes, les distances, les textures.
Ces expériences ont révélé un potentiel inédit : celui de penser l’art public comme une expérience sonore et spatiale, capable d’évoluer selon la présence et le mouvement de chacun.

De cette intuition est née l’idée d’un dispositif sonore contextuel, inspiré du fonctionnement cognitif des personnes vivant avec une déficience visuelle.
Le dispositif s’appuie sur une stratégie sensorielle qui soutient trois notions clés :
  • le positionnement, pour situer son corps dans l’espace ;
  • la direction, pour orienter le mouvement et l’attention ;
  • la mémorisation spatiale, pour créer une continuité perceptive entre les sons, les formes et les lieux.

Il ne s’agit pas d’un audioguide, mais d’un système vivant, une partition réactive qui s’adapte à la distance, au contexte sonore et au rythme de chaque usager.
Son rôle n’est pas de guider, mais d’accompagner l’écoute, d’ouvrir un dialogue entre le corps, l’espace et le son.

L’objectif : permettre à toute personne — voyante ou non-voyante — de faire l’expérience d’une œuvre par la spatialité, la vibration et la résonance, en redéfinissant les contours mêmes de l’expérience esthétique.
Ainsi, A.P.A. devient un terrain d’expérimentation où la technologie s’inspire du vivant, et où l’art public devient un espace de perception partagée.



Une continuité entre art, perception et contenant

Au cœur de ma pratique, le contenant est une métaphore du monde sensible.
Je l’explore à travers la sculpture et l’installation comme un espace de résonance, un lieu où la lumière, la matière et le vide dialoguent.
Le contenant, c’est ce qui accueille — une forme, une présence, une émotion — mais aussi ce qui rend perceptible l’invisible.

Avec le projet A.P.A. – Art Public Accessible, cette recherche s’élargit : le contenant n’est plus seulement un espace matériel, mais un champ perceptif.
Le son, le toucher, la vibration deviennent à leur tour des contenants immatériels, capables de transmettre une expérience esthétique à travers le corps et la mémoire sensorielle.
L’écoute devient un espace à habiter, une matière à sculpter.

Ainsi, A.P.A. prolonge ma démarche en déplaçant la question du regard vers celle de la présence multisensorielle.
Il s’agit de créer des œuvres qui ne se donnent pas seulement à voir, mais à éprouver : des œuvres qui accueillent la diversité des perceptions, qui intègrent la fragilité, le mouvement, et la cohabitation des sens.

Dans cette perspective, l’art n’est plus une surface à observer, mais un milieu à traverser — un espace où le contenant devient le monde lui-même, continuellement façonné par nos sens, nos corps et nos imaginaires.


Contributeurs



RAAMMINCA

CHUM



Témoignages


« J’ai adoré l’œuvre en bois, j’ai pu en garder la forme et la grandeur en mémoire. » –

Fadhila R., participante de l’INCA

« L’environnement sonore m’a enveloppée, c’était une sensation presque organique. »

Suzanne L., participante du RAAMM

« Une expérience humaine et sensorielle très précieuse. »

Marie L-G., artiste chorégraphe







Last Updated 24.10.31
PROCESSUS




 



Le parcours proposé aux participant·e·s de la marche exploratoire évolue à travers trois œuvres d’art public situées dans l’environnement du CHUM.
La première, Les jeux de ficelles de Pierre Bourgault, est une sculpture monumentale dont une partie aérienne échappe au toucher.
Traversée par les bruits de la ville, elle confronte immédiatement les participant·e·s à un défi : comment s’immerger dans une œuvre quand l’accès est limité au regard ou au son diffus ?

Cette première expérience révèle la nécessité d’inventer d’autres voies d’accès à l’art — par la perception, le mouvement et la résonance de l’espace. 




La deuxième œuvre du parcours, L’arc déplacé de David Sorensen, invite les participant·e·s à poursuivre leur exploration sensorielle dans un espace plus calme et enveloppant.
Les proportions monumentales de la sculpture, associées à l’atmosphère sonore du lieu, font émerger un écosystème perceptif différent : plus apaisé, mais riche en nuances subtiles.

Ici, le sentiment de sécurité et la clarté spatiale favorisent une relation plus fluide entre le corps, l’œuvre et l’environnement.




L’accessibilité sensorielle ne se limite pas à la capacité de percevoir une œuvre :
elle dépend d’un contexte sécurisant et d’un assemblage de sensations cohérentes qui permettent à chacun·e de s’approprier le sens de l’expérience.

Cette réalité prend toute son ampleur avec La résonance des corps de Catherine Béchard et Sabin Hudon, une œuvre sonore installée dans un clocher d’église en béton au cœur du CHUM.
L’espace, à la fois caverneux et résonant, transforme l’architecture en caisse de résonance où le son devient matière.

Dans ce lieu, les participant·e·s développent une relation fluide et profonde avec l’œuvre :
le corps devient instrument d’écoute, la perception se déploie, et le sens naît de la rencontre entre le lieu, le son et la confiance ressentie.




Les marches exploratoires ont révélé que l’expérience esthétique repose autant sur la qualité du contexte sensoriel que sur la capacité à se situer dans l’espace.
Pour les personnes vivant avec une déficience visuelle, chaque déplacement est une chorégraphie perceptive : écouter, sentir, mémoriser.
C’est à partir de cette intelligence du corps que le projet A.P.A. développe un dispositif sonore contextuel, capable de soutenir et d’amplifier cette navigation sensible.




L’expérience sensorielle ne naît pas d’un seul sens, mais d’un assemblage fluide de perceptions.
Chaque repère — sonore, tactile, spatial — participe à construire une trame de confiance dans laquelle le corps peut s’orienter et s’ouvrir à la découverte.
Le dispositif A.P.A. cherche à harmoniser ces signaux pour soutenir un sentiment de sécurité perceptive :
le son devient repère, la matière devient guide, et l’espace se transforme en un paysage d’expériences alignées.
C’est dans cet équilibre sensible que la perception devient véritablement accessible.




Détection et interaction adaptative

Le dispositif A.P.A. reconnaît les présences humaines, les cannes blanches et les chiens guides pour ajuster son comportement sonore en temps réel.
Loin d’une logique de surveillance, cette détection agit comme un système perceptif complémentaire : elle amplifie la résonance entre le corps, l’espace et l’œuvre.
Chaque signal perçu devient une donnée vivante qui module la partition sonore selon le profil de l’usager, sa proximitéet le contexte acoustique environnant.
L’environnement réagit ainsi de manière subtile et bienveillante, soutenant la navigation sensorielle sans la diriger, dans un dialogue entre technologie et sensibilité humaine.




Le contenant sensoriel

Le contenant est au cœur de ma démarche artistique.
Il n’est pas un simple objet, mais un espace de passage entre le visible et l’invisible, entre la matière et la perception.
Dans mes installations, la transparence, la réflexion et la lumière deviennent des seuils où le regard ralentit, où le corps écoute.
Cette recherche trouve aujourd’hui un nouvel écho avec le projet A.P.A., qui explore le contenant comme expérience sensorielle partagée — un espace où la présence humaine, la technologie et le monde sensible se rencontrent pour redéfinir ce que signifie percevoir.